Pendant des décennies, les pays développés ont renforcé leur structure en se dotant de systèmes d’information réalisés à coup de grands projets et de millions. Commencé dans les années 70 à l’heure pré-internet, ces pays avaient peu d’options pour doter leur service public de solutions logicielles indispensables à une gestion efficace, fiable et rapide.
Il fallait initier de grands projets dont la réalisation était souvent confiée à de grandes entreprises informatiques et SSII sur base d’appels d’offres. De gros budgets étaient alors nécessaires, et en cas d’échec des dits projets, les pertes pouvaient être considérables. Une fois les projets réalisés, l’exploitation et la maintenance des systèmes livrés revenaient souvent aux équipes informatiques de l’administration publique qui, très souvent n’avaient pas les compétences et la volonté pour faire évoluer ces systèmes.
Résultat, 30 à 40 années après, les gouvernements se sont retrouvés avec des systèmes "legacy" vieux, obsolètes et en décalage avec les besoins des utilisateurs du 21ème siècle.
Aujourd'hui encore, nombreuses sont les administrations (pour ne pas dire la totalité) qui opèrent selon cette approche, une approche ancienne entrainant le vieillissement prématuré d’infrastructures matérielles et logicielles bâties aux frais des contribuables. Un exemple marquant est le programme e-gouvernement du Maroc; Cette belle réussite marocaine en matière de développement d’administration électronique est pâlie par des sites web « non-responsive », difficilement utilisables sur les nouveaux terminaux que sont les Smart-phones et les tablettes. En moins de 10 ans, l’obsolescence technologique les a gagnés. Cette situation se retrouve dans beaucoup de pays développés où les plateformes web de l’administration publique sont difficilement consultables sur mobiles.
Nous sommes aujourd'hui à l’heure d’internet, plus que d’internet, nous sommes à l’heure de l’internet 2.0, du cloud computing et des réseaux sociaux, pour ne citer que ces dernières tendances technologiques. Ces nouvelles technologies offrent au secteur public d’immenses possibilités en matière d'acquisition de systèmes d’information capables de renforcer leur structure, d’augmenter la performance et l’efficacité à moindre coût plus rapidement et à la pointe de la technologie.
Le SaaS(Software as a Service), location des services logiciels distants accessibles via internet, devrait être plébiscité par le secteur public. Acheter à la demande, le SaaS donne la possibilité à l’administration d’acquérir des solutions plus rapidement, à moindre coût et facturées à l’utilisation. Un autre grand avantage, la possibilité de faire des tests ce qui permet de réduire les risques d’échec de projet; Tester une solution, vérifier si elle correspond aux besoins, l’acquérir si oui et augmenter les ressources à la demande seraient un bon moyen d’utiliser l’argent public.
En Afrique particulièrement, adopter le SaaS comme mode d’acquisition de solution logicielle serait une opportunité d’accélérer le renforcement des structures étatiques et donc d’accélérer le développement économique des pays du continent.
En effet, beaucoup de pays africains sont caractérisés par une faible capacité financière ; le coût devient ainsi un facteur déterminant dans le processus d’acquisition des systèmes informatiques; beaucoup de gouvernement ne peuvent pas se permettre des outils chers ou des projets de solutions spécifiques impliquant de lourds investissements en licences et en équipements informatiques.
Aussi, en Afrique, le secteur public manque souvent de compétences nécessaires pour déployer des systèmes d’information robustes pourtant indispensables au développement. Avec la fuite des cerveaux et un système éducatif pauvre, acquérir, déployer, maintenir et mettre à jour les technologies représentent un casse-tête pour de nombreux gouvernements du continent. Les coûts sont grevés aussitôt que des compétences venues de l’étranger sont requises.
Le manque de ressources et de compétences conduit à un niveau d’organisation faible dans le secteur public en Afrique. Avec peu de systèmes d’information pour assister les agents du public, la paperasse et toute l’inefficacité qui va avec, sont des sources de problèmes majeurs : manque de fiabilité des données et des prévisions, gaspillages des ressources, faibles performances, corruption et détournements, …
Les obstacles à l'adoption du SaaS par le secteur public.
A l’ère actuelle, l’adoption du SaaS par le secteur public est confrontée à de nombreuses difficultés. Parmi ces obstacles, on peut citer :
- La volonté de contrôle des États : Le SaaS menace le pouvoir de contrôle des États ; le secteur public développe, héberge et exploite ses solutions parce qu’il veut constamment être en possession des moyens et des ressources qu’il utilise. Le risque qu’un fournisseur SaaS disparaisse du jour au lendemain ou qu’il fasse un mauvais usage des données collectées ou que des problèmes de sécurité émergent, constitue un cauchemar que beaucoup d’administrations ne sont pas prêtes à vivre.
- La résistance au changement : L’adoption du SaaS en soi constitue un bouleversement du mode de fonctionnement des administrations publiques. Cela introduit de nombreux changement dans le mode de prise de décision, l’octroie des marchés et la gestion du personnel. Les procédures internes nécessiterons d’être revues, certains fonctionnaires devront être réaffectés, … bref, beaucoup de changements sont nécessaires pour profiter des avantages offerts par le cloud computing dans le secteur public.
- Le mode d’octroi des marchés publics : L’acquisition de solution SaaS bouleverse le mode d’octroi des marchés publics souvent imposés aux États par les institutions internationales (Banque Mondiale, FMI, …). Avec le SaaS, on passe d’un achat à une location, l’État n’a pas à débourser un gros montant au début, mais plutôt à s’abonner mensuellement ou annuellement à des services logiciels. Le montant de ces abonnements peut ne pas atteindre le montant seuil nécessaire au lancement d’un appel d’offre.
- L’absence d’offres suffisantes, des fournisseurs SaaS plutôt fragiles : Un des obstacles notables à ce mode d’acquisition de solutions logicielles est la faiblesse de l’offre. Il n’y a pas d’offres suffisantes sur le marché pour encourager les administrations à se tourner vers le SaaS. Les besoins de l’administration sont souvent spécifiques et les éditeurs de logiciels ont longtemps focalisé leurs efforts sur la satisfaction des besoins du secteur privé plus lucrative et moins contraignante ; conséquences, peu de solutions à même de répondre aux spécificités de l’administration publique. A cela s’ajoute, que le SaaS est souvent l’apanage des startups qui se sont tournées vers ce marché pour éliminer les inefficiences liées à la distribution et au déploiement des solutions sur site. Or ce qui caractérise une startup, c’est sa fragilité, sa faible longévité et quand on sait que 90% des startups ne dépassent 1 année d’existence, il y a de quoi effrayer n’importe quelle administration publique qui fonctionne avec des horizons temporels de l’ordre de la décennie.
A l’ère de l’internet 2.0, les administrations publiques ont des grandes opportunités pour bâtir des systèmes d’information robustes, évolutifs et à moindre coût. Le SaaS est une opportunité immense dont pourrait tirer avantage l’Afrique qui, en ce moment, cherche à bâtir des systèmes d’information pour soutenir ses efforts de développement économique. Elle pourrait ainsi éviter de construire son système d’information à la « méthode ancienne » à savoir voter de grands projets réalisés à coût de millions.
Mais pour une adoption efficace du cloud computing, les habitudes de pensée et de faire des États doivent évoluer. Les gouvernements doivent lâcher du leste en matière de contrôle sur leurs données et leurs ressources informatiques pour se fier à des fournisseurs privés. Le mode d’octroi des marchés publics doit évoluer pour permettre à l’État d’acheter des services par abonnement et payer à l’utilisation.
Il faut aussi une plus grande offre de solutions SaaS à destination du secteur public, beaucoup plus de prestataires devraient s’activer sur ce créneau. L’arrivée de grandes sociétés informatiques dans l’octroi du SaaS au secteur public devrait aider à rassurer les administrations. Mais reposer sur des startups locales pour répondre à cette transformation ne serait-il pas le meilleur soutien de ces gouvernements à l’écosystème des startups?